vendredi 5 juillet 2013

Ça m'énerve - Marie-Ange Guillaume


Les télécommandes

Derrière mon poste de télé, sur le parquet, s’entasse un embrouillamini de spaghettis cuits al dente : les fils qui relient la télé à la box, la box au décodeur, le lecteur DVD à la box, la box au téléphone et plus si affinités. Néanmoins, tous ces fils et les trois télécommandes qui régissent l’ensemble sont censés me simplifier la vie. Me voilà donc peinarde, bien calée au creux de mon canapé, prête à regarder un chef-d’œuvre du cinéma arménien, quand le téléphone sonne. Machinalement, j’attrape le premier truc venu et me le colle contre l’oreille en appuyant sur la première touche venue. Comme c’est la commande du lecteur DVD et non le téléphone, le film fait « couic » et retourne au menu général. Comme ça continue de sonner, j’attrape le téléphone fixe mais ça continue de sonner quand même puisqu’on m’appelle sur mon portable. Quand je trouve enfin le portable, planqué sous le chien, le copain a raccroché et m’appelle sur le fixe. Entre-temps, le chat a sauté sur la télécommande du décodeur, ce qui fait que je n’ai plus ni de télé ni de téléphone – c’est hypersensible, ce système. Après avoir bidouillé quelques touches au hasard, je potasse le mode d’emploi traduit du coréen et, n’y comprenant que pouic, j’appelle la hot line. Je tombe sur un monsieur basé au Maroc qui me fait répéter deux fois mon pedigree (adresse, téléphone, numéro de Sécu, âge de mon chien, etc.), puis me fait exposer trois fois mon problème et, enfin, sur le ton du type qui vient de piger l’équation polynomiale de degré 5 (ça s’appelle une illumination), il me demande si, par hasard, je n’aurais pas déménagé. Parce que, des fois, quand on déménage, ça fiche tout en l’air. Un peu interloquée, je réponds que non, il ne me semble pas avoir déménagé entre 20h40 (ça marchait encore) et 21 heures (ça ne marchait plus), je m’en souviendrais. L’air déprimé, le « conseiller » me conseille finalement de rappeler le lendemain, vu que, la nuit, la hot line ne marche pas.


Extrait du livre : « Ça m’énerve » de Marie-Ange Guillaume, éd. Le Passage.

On ne meurt qu’une fois et c’est pour si longtemps - Patrick Pelloux

Jean-Baptiste Lully

Lully, le poids d’un bâton et le choc de la passion 

[…]

Louis XIV a son musicien : Jean-Baptiste Lully, immigré italien. Ils ont six ans d’écart et se fréquentent depuis l’adolescence. Le roi a aussi son auteur de théâtre : Molière. Les trois sont très jeunes, ils se connaissent bien et Lully fait rire aux éclats Molière, son aîné de dix ans. Comme ils sont potes, Lully, dont le talent explose toute la musique de l’époque, écrit la plupart des musiques et des ballets des œuvres de Molière.

Lully est marié et il a des enfants, mais il a aussi des maîtresses et des amants, et notamment un petit page qu’il s’est tapé au vu et au su de tout le monde, ce qui entraînera sa disgrâce auprès du roi. Lully est même accusé d’avoir sodomisé la moitié des chantres de la chapelle. Comme toute la cour, il est libertin et va souvent à l’enclos du Temple, où se trouvent les bordels, les salles de jeu et toutes les formes de débauche. Il aime également le vin, qui n’est pas de grande qualité, mais il picole beaucoup, ce qui n’arrange pas sa santé.

Paradis du rêve - Jean Richepin

 Tableau de Carolus- Duran (1838-1917)

Je m’embarquerai, si tu le veux,
Comme un gai marin quittant la grève
Sur les flots dorés de tes cheveux
Dans le paradis fleuri du rêve.

Ta jupe flottant au vent du soir
Gonflera ses plis comme des voiles                                           
Et quand sur la mer il fera noir
Tes beaux yeux seront mes deux étoiles.

Ton rire éclatant de vermillon
Sera le fanal de la grande hune
J’aurai ton ruban pour pavillon
Et ta blanche peau pour clair de lune.